Que veut-on dire en affirmant de l'artiste qu'il crée ?

Dans ce qu'il entreprend de réaliser, l'homme semble être réduit à mettre en œuvre des processus de production : il utilise une matière qu'il trouve dans la nature (ou bien qu'il synthétise chimiquement lui-même à partir d'une "matière première" naturelle), qu'il met en forme dans un sens qui lui est utile. 
Par exemple, il taille des pierres en pointe et les accroche au bout d'un morceau de bois afin de se confectionner une lance lui permettant de chasser pour se nourrir, puisque la nature ne lui a donné ni griffes ni crocs.
Or, l'art échappe-t-il à ce processus de mise en forme d'une matière naturelle qu'est la production ? Après tout, toute peinture est déposée sur un support (panneau de bois, toile tissée, feuille de papier), dont la matière provient bien de la nature. Toute peinture est ensuite réalisée au moyen d'outils (pinceaux, brosses, couteaux, etc.), qui permettent de déposer de la matière sur le support (la "peinture" quelle qu'en soit la composition, pigmentée pour constituer les couleurs, ou bien de l'encre, etc.), matière qui provient là encore de la nature.
Sur cet exemple, il apparaît que si l'artiste crée ses œuvres, il ne crée pas la matière mise en œuvre pour cette création. 
Pour autant, nous affirmons bien de l'artiste qu'il crée, et non qu'il produit. En quoi consiste, alors, ce geste démiurgique ?

Questions : 

1. Recherchez ce que signifie la "création ex nihilo". Pourquoi tel ne peut pas être le sens de la création artistique ?

2. En quoi identifier l'art comme étant une création et non une production le rapproche-t-il du divin ?

3. Si l'art est créateur, cela signifie qu'il manifeste le pouvoir qu'a l'homme de s'arracher à la nature, en faisant apparaître dans le monde quelque chose qui n'y est pas donné, pas même comme y étant contenu "en germes".

Analysez, pour expliquer cela, la manière dont Bergson montre, dans l'extrait suivant, que la pièce Hamlet de Shakespeare n'était en ce sens pas "possible" avant que Shakespeare la crée : "[…] il est clair qu’un esprit chez lequel le Hamlet de Shakespeare se fût dessiné sous forme de possible en eût par là créé la réalité : c’eût donc été, par définition, Shakespeare lui-même. En vain vous vous imaginez d’abord que cet esprit aurait pu surgir avant Shakespeare : c’est que vous ne pensez pas alors à tous les détails du drame. Au fur et à mesure que vous les complétez, le prédécesseur de Shakespeare se trouve penser tout ce que Shakespeare pensera, sentir tout ce qu’il sentira, savoir tout ce qu’il saura, percevoir donc tout ce qu’il percevra, occuper par conséquent le même point de l’espace et du temps, avoir le même corps et la même âme : c’est Shakespeare lui-même." (La Pensée et le Mouvant, premier chapitre, dans Œuvres de Bergson, PUF, 1963, p. 1341-1342.)

Synthèse : 

À l'issue de cette analyse, élaborez une définition de la "création artistique".

Problème :

1. Avons-nous, dans toute cette analyse, convoqué le terme de "beauté" pour interroger l'art ? 

2. Cette dimension créatrice ne peut-elle pas pourtant être une autre manière de nommer la beauté ? Vérifiez cette hypothèse, dans l'interview suivante donnée par Cocteau.

3. Analysez cet extrait du discours prononcé par Cocteau lors de sa réception à l'Académie française le 20 octobre 1955 : "Radiguet fit cette découverte qu'il ne suffisait pas de contredire des habitudes, mais qu'il fallait contredire l'avant-garde. Bref, avec un masque de recul, d'aller plus vite que la vitesse. Ainsi naquirent son roman Le Diable au Corps et mes poèmes de Plain-chant." (Jean COCTEAU, "Extrait du discours de réception à l’Académie française du 20 octobre 1955", dans Poésie critique, tome II.)

a) En quoi créer, c'est "contredire les habitudes" ?

b) Qu'est-ce que l'"avant-garde" ? En quoi créer, c'est faire advenir quelque chose de radicalement nouveau ?